Une maison d’édition n’est-elle qu’affaire de livres ?

Un éditeur n’est-il qu’un fabricant;  un auteur, un écrivain ?

Difficile aujourd’hui de commencer une nouvelle activité sans fermer de portes.

Écrivain, auteur, artisan, rêveur, faiseurs de livres...

Avant tout amoureux. Des mots, du partage, du doute, des apparitions.

Oui, des livres. Écrits, lus, enfantés puis abandonnés au monde du sensible, qui lui seul peut élever le peuple de la beauté.

La planète du Sélénite c’est la Lune, mais pas que. C’est aussi l’autre monde, le monde des fous et des Pierrots, celui qui bouge moins vite, une terre à partager sans crainte d'être battus, chassés,  classés, tués. L’autre monde c'est l'autre, celui qui nous regarde, que nous regardons, celui que nous pourrions être ailleurs, en investissant un nouvel imaginaire comme on enfile une nouvelle robe, celle ou celui qu'on s’imagine être  – le seul moi réel - celui que le poète crée, sans formes ni contours, celui qui n’exclut pas, qui n’exclut rien. Tout être sans être tout. Tout pouvoir être.  

Michel Tournier disait qu'un livre s'écrit toujours à deux : l'écrivain et le lecteur. Le livre considère celui qui l’écrit puis celui qui le reçoit, il n'est rien sans les deux versants de sa planète-univers. Le lecteur peut tenir le monde entre ses mains – rien que ça et au moins tout ça - il n'est pas écrasé par une dimension faussement réelle et spectaculaire comme dans le monde des images, il est maitre de son temps, de ses formes, de son imaginaire.

L'imaginaire doit nous être rendu. L’imaginaire n’est pas l’image, il est toutes les images nées et à naitre, uniques et imbriquées, nous ne pouvons pas vivre sans lui, même si nos sociétés actuelles vénèrent tant ce qu'elles appellent maladroitement "réalité".

La poésie, à l’image de la vie, n’est ni réelle ni vraie. Elle est. Tout simplement.


Pierre Pascual, artisan éditeur (avril 2016).